Sunday, May 31, 2009

L4-02 La poésie : Le genre littéraire par excellence

Le genre littéraire par excellence

Le poète doit être un professeur d’espérance […] Je chante le rythme mouvant et le désordre ». Jean Giono - Aux sources mêmes de l’espérance
La poésie est l'essence même du texte littéraire, son "concentré" pour ainsi dire ! Toutes les ressources du langage y sont mises en branle afin d'éveiller , au coeur des mots, les sensations, les émotions, ce qui est caché. Autrement dit, la poésie essaie de montrer, en la suggérant, la face cachée de la vie et de l'univers.
La poésie dispose deux techniques spécifiques:
1. la connotation
2. les figures de style
LA CONNOTATION
Cette technique fait référence au fait qu'un mot peut avoir plusieurs significations . Par exemple, si on commençait avec le nom propre FLORENCE, on se rend compte que ce mot a deux sens principaux: c'est, tout d'abord, un prénom de femme et, en second lieu, c'est le nom d'une ville italienne célébrée pour ses oeuvres d'art et ses monuments.
Dans le texte qui suit, l'auteur utilise librement des associations connotatives (et très poétiques) à partir du mot Florence.
Le voici:
(...) Florence est ville et fleur et femme, elle est ville-fleur et ville-femme et fille fleur tout à la fois. Et l'étrange objet qui parait ainsi possède la liquidité du fleuve, la douce ardeur fauve de l'or et , pour finir, s'abandonne avec décence et prolonge indéfiniment par l'affaiblissement continu de l'e muet son épanouissement plein de réserves. À cela s'ajoute l'effort insidieux de la biographie. Pour moi, Florence est aussi une certaine femme, une actrice américaine qui jouait dans les films muets de mon enfance et dont j'ai tout oublié, sauf qu'elle était longue comme un long gant de bal et toujours un peu lasse et toujours chaste, et toujours mariée et incomprise, et que je l'aimais, et qu'elle s'appelait Florence. Car le mot, qui arrache le prosateur à lui-même et le jette au milieu du monde, renvoie au poète, comme un miroir, sa propre image.
Jean-Paul SARTRE, Qu'est-ce que la littérature ?
LES FIGURES DE STYLE
Il existe un grand nombre de moyens qui permettent à l'écrivain de surprendre son lecteur lorsqu'il (elle) écrit de la poésie. Voici une liste de figures de style qui sont disponible à l'écrivain:
1. La comparaison : des dégrés de signification d'adjectifs et d'adverbes de manière positive, comparative, ou superlative, exprimant une idée d'évaluation par rapport à un autre, ou relative à un autre.
Un premier exemple : Cet homme (1) est fort (2) comme (3) un lion (4).
(1) le terme compare (l'élément qu'on compare)
(2) le terme comparant (l'élément qui sert de point de comparaison)
(3) le terme comparatif (le mot-outil)
(4) la qualité ou propriété commune ( qui peut être sous- entendue)
Le texte qui suit est écrit par Baudelaire, et nous permet d'observer la "comparaison" :
Tout l'hiver va rentrer dans mon être...
Et comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glace,
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd...
Ce bruit mystérieux (du bois qu'on décharge)
sonne comme un départ.
Analyse/Actualisation des comparaisons Termes comparés Termes comparants Termes comparatifs Qualité ou propriétés communes
Mon coeur soleil comme froid/glace
Mon coeur bloc ne sera plus rouge/glace
Mon esprit tour pareil à succombe/meurt
bruit mystérieux bois qu'on décharge comme(sous- entendu) bruit/fracas
bruit mystérieux départ comme bruit/sonnerie
2. La métaphore : procédé par lequel on transporte la signification propre d'un mot à une autre signification qui ne lui convient qu'en vertu d'une comparaison sous-entendue. Autrement dit, on compare deux termes sur la base d'une propriété commune.
Exemples:
Cet homme est un lion (Aristote)
L'homme est un roseau pensant (Pascal)
Mettez du tigre dans votre moteur (Compagnie d'essence)
"La douceur fleurie des étoiles" (Rimbaud)
"Entends ma chère, entends, la douce nuit qui marche" (Baudelaire)
3. La métonymie : Cette figure de style se distingue de la comparaison et de la métaphore. C'est un procédé stylistique par lequel on exprime l'effet par la cause, le contenu par le contenant, le tout par la partie. La métonymie met en cause le lien logique entre deux termes. Ce lien est constitué la plupart du temps par une relation permettant de prendre:
- l'effet pour la cause:
Cet écrivain vit de sa plume. (la cause = la plume ; l'effet = vivre)
Il vit de son travail.
- le signe pour la chose signifiée:
Chaque jour il prend le 129 (le signe = le 129; la chose signifiée = l'autobus)
- l'abstrait pour le concret:
C'est l'avarice en personne (l'abstrait = l'avarice; le concret = la personne)
- la matière pour l'objet:
C'est un bronze (la matière = bronze; l'objet = la statue )
Elle porte un beau vison (la matière = le vison; l'objet = le manteau)
- le contenant pour le contenu:
Boire un verre (le verre = le contenant; le contenu = ce qu'il y a dedans)
- la partie pour le tout:
Une voile à l'horizon (partie = voile; tout = bateau)
- le tout pour la partie :
L'homme prit une cigarette (tout = homme ; partie = main )
- la conséquence pour la cause:
Cet enfant, le bonheur de mes jours (conséquence = bonheur; cause = enfant)
4. La personnification : consiste à faire d'un être inanimé ou d'une abstraction un personnage réel. La personnification ressemble tres souvent à la métaphore ou à la métonymie.
Exemples:
"L'habitude venait me prendre dans ses bras et me portait jusque dans mon lit comme un petit enfant. " (Proust)
"La neige parle à l'enfant".
5. L'antithèse : opposition entre deux mots ou expressions tranduisant les idées contraires. C'est une figure de style qui éclaire et précise les idées en juxtaposant les contraires.
Exemples:
"Je suis un fils déchu de race surhumaine" (Des Rochers)
"Le Canada est le paradis de l'homme d'affaires, c'est l'enfer de l'homme de lettres." (J. Fournier)
6. L'énumeration : consiste à ajouter plusieurs aspects, détails, faits , preuves qui sont de nature à expliciter ou à développer davantage une idée qui figure en général dans l'énumération.
Exemple:
Alors circulèrent dans la ville les premières brochures contenant des conseils sur la manière de se protéger le mieux possible contre la bombe atomique. Premièrement: il fallait se jeter à plat ventre par terre. Deuxièmement: se cacher le visage. Troisièmement: éviter les éclats de verre.
(Gabrielle ROY, Alexandre Chenevert)
7. L'accumulation : consiste à ajouter des termes... souvent de même sonorité finale.
Exemple:
(...) et la se fait entendre un perpetuel pietinement, caquettement, mugissement, beuglement, belement, meuglement, grondement, ragnonnement, machonnement, broutement des moutons et des porcs. (JOYCE, Ulysse)
8. La gradation : consiste à présenter une suite d'idées ou de sentiments dans un ordre afin que ce qui suit dise toujours un peu plus ou un peu moins que ce qui précède, selon que la progression est ascendante ou descendante.
Exemple :
Va, cours, vole et nous venge ! (Corneille)
Ah! Oh! Je suis blessé, je suis troué, je suis perforé, je suis administré, je suis enterré. (A.JARRY, Ubu roi)
Le lait tombe; adieu, veau, vache, cochon, couvée... (LaFontaine)
9. La répétition : répétition des mêmes mots et mêmes expressions.
Exemple:
Le train court on ne sait ou
Avec ses pattes longues comme
le train court on ne sait ou
longues longues c'est dire comme
multivague vogue le train
sur belles railles bien en chair
ah vive le chemin de fer
roi des mâles et des malins
le train court court court court court court...
(Raymond Queneau)
10. Le pléonasme : répétition de la même phrase.
Exemple:
Moi, je l'ai vu, de mes yeux vu, ce qui s'appelle vu.
11. L'allitération : répétition du même son.
Exemple:
Vers, vert, ver ? Non, Verres ! (titre d'un article sur le choix des verres, Châtelaine, septembre 1981)
Les Pros d'Esso : à l'enseigne du bon boulot (annonce publicitaire)
L'été s'en va, l'automne est là (titre d'article)
12. L'onomatopée : expression dont le son est imitatif de la chose qu'il signifie.
Exemple :
coucou; toc-toc; glouglou; vroum; coin-coin; tic-tac; frou-frou; miaou; floc...
13. L'inversion : consiste à permuter (changer) un mot ou un groupe de mots qui devraient suivre l'ordre logique et normal de la phrase ou du texte.
Exemple:
Quinze enfants il a eus. (JOYCE, Ulysse)
Terrible est la menace qui pèse sur notre économie.
Parce qu'il est le chef, il se croit tout permis.
En octobre, il sera trop tard.
Tandis que la Princesse causait avec moi, faisaient
précisément leur entrée le duc et la duchesse de
Guermantes. (Proust, À la recherche du temps perdu)
14. Le rhythme : Cette technique est infiniment complexe. Elle est liée à la vie elle-même: le battement du coeur, le bruit qui nait des mains qu'on frappe, le mouvement des vagues sur la plage, etc. Le rhythme est très souvent utilisé par les poètes .
Exemple:
"Il pleure dans mon coeur,
Comme il pleut sur la ville
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur..."
(Paul Verlaine 1844-1896; Romance sans paroles )
" Le moulin tourne au fond du soir, très lentement,
Sur un ciel de tristesse et de mélancolie,
Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie,
Est triste et faible, et lasse, infiniment..."
(E. Verhaeren: "Le Moulin" Les Soirs).
15. Les sonorités : L'euphonie, c'est la règle qui consiste à disposer les mots de telle façon que leur sonorité plaise.
Exemple:
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.
(Apollinaire)

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